vendredi 27 juillet 2012

Ordres de la nuit, d'Anselm Kiefer

Anselm Kiefer, Ordres de la Nuit (Die berühmten Orden der Nacht), Musée Guggenheim Bilbao.

JE SUIS AVEC TOI


Et il était là, au sol, détendu, présent à l'univers.
Son cœur battait au rythme de la respiration de la terre, de la respiration du ciel.
De la respiration du mystère.
Tout semblait avoir un rythme.
Lui aussi était accordé à ce rythme et ça lui convenait.
Tout respirait lentement. 

Son corps, proche de la terre, en sentait la chaleur.
Cette terre sèche sur laquelle, depuis la naissance, il avait marché.
Mais son être se sentait appelé là, dans l'absolu, en haut.
Et un fil presque invisible le liait à cette toile bleue, infinie.

La nuit était le moment idéal pour écouter,
Pour percevoir en soi cet appel, cette attirance
Pour avoir en soi, enfin, un peu de paix.

...Et les étoiles tombaient.
Il se sentait lié, intimement, secrètement,
A cette beauté si lointaine, si mystérieuse.
A ces Ordres de la nuit.
Et un fil doré liait son essence à l'étoile, la plus brillante du ciel.

Les sages orientaux lui avaient dit qu'il fallait écouter
Et sentir par le troisième œil, l’œil  de l’âme, ce souffle de Vie,
Ce sens qu'il y avait en lui et autour de lui.

Il fallait parler à ' Notre Père '[1]
Pour trouver en lui aussi cette toile infinie qui lui donnait la paix.
Et comprendre que lui aussi, faisait partie, avec tous les autres,
De ce immense souffle,
De ce flux de Vie
... de cette vie d'Amour.

Et voilà...il était béni !
La prière.
Sa force l’avait ouvert à sa propre conscience,
A sa relation avec le Mystère, à ce monde.

Il avait eu la nette sensation d'être aimé.
D'avoir été aimé. Dès sa naissance.
Et l'abandon au rythme du Mystère l’avait fait ressusciter,
L’avait fait « renaître d'en haut ».[2]

...Et les étoiles tombaient, dans le silence de la nuit.
Abandonné au sol, il s'abandonnait au Ciel.

Et la Vie continuait...
''Voici, je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras.'' [3]


Commentaire du tableau d’Anselm Kiefer, Les Ordres de la Nuit

Anselm Kiefer est un artiste allemand, né en 1945. Son travail prend forme à partir de son désir de faire la clarté sur sa propre histoire, sur son appartenance à un pays profondément meurtri, tombé dans un abîme de mal-être suite à la tragédie nazie. Par le biais de ses œuvres, il a le courage de nommer ce qui restait enfoui dans l'âme de beaucoup d'hommes. Sa réflexion l’amène à se poser la question : « Quel art est possible après Auschwitz ? ».
Cependant, à partir du 1995, ses œuvres changent, s’ouvrent et s'enrichissent, notamment par l’apport des mythes des anciennes civilisations (orientale, égyptienne, grecque), de l’Ancien Testament et de la Cabale juive, des références à l'alchimie, à l'astronomie, à la méditation orientale, à la tradition chrétienne. Il cherche à reconstruire le subtil lien entre terre et ciel, entre lumière et ténèbres, entre réalité et mythe.

L'homme nu est l'autoportrait de l'artiste.  Il représente le corps, présent dès les années ’70 dans ses œuvres. Mais au lieu de la figure nazie debout, héroïque, romantique de ses premiers tableaux, il dépeint ici une figure détendue, au sol, dormant, évocatrice du rêve ou de la mort. Le spectateur sent bien que ce corps est en train de vivre physiquement une expérience spirituelle : il lâche prise et s’abandonne à l’indicible qui le dépasse. Il est prêt à accueillir cet infini qui l’envahit.

Cette œuvre se veut une interrogation sur le destin personnel et celui de l'univers. La tâche de l'artiste est de transformer le matériel en spirituel, le deuil et la mélancolie en extase et en grâce.

Monica Fasan

[1]   Evangiles de Mathieu (6, 6-13)  et de Luc (11, 1-4)
[2]   Evangile de Jean 3,3
[3]   Genèse 28, 15


L'ensemble des éléments présents sur les pages de ce blog est conforme aux droits de la propriété intellectuelle. Si, malgré tous nos efforts, certains auteurs ou ayants-droit n'ont pu être identifiés, ces personnes sont invitées à se manifester auprès des services du Vicariat de Bruxelles.
deuiletesperance@gmail.com

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire