mardi 11 décembre 2012

Demain, dès l'aube


DEMAIN, DES L’AUBE
Photo: Erminio Modesti

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
 Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
 Et, quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
 Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Victor Hugo, Les Contemplations, Livre IV, XIV

Les Contemplations est un recueil de poèmes écrits par Victor Hugo (1802 - 1885) en souvenir de sa fille aînée Léopoldine, morte noyée dans la Seine avec son mari en 1843, à l’âge de 19 ans. Certains poèmes évoquent l’amour et la nostalgie du bonheur, d’autres la mort et le chagrin, toujours dans une langue simple, touchante, sans pathos.  
Le livre IV dont est extrait ce poème correspond au livre du deuil :
‘Le jour sera pour moi comme la nuit’. Plus rien n’a de vie, sinon la douleur. Elle conduit le poète, aveugle de tout ce qui l’entoure, jusqu’à la tombe de Léopoldine. Il y dépose lui-même feuilles et fleurs. Le bouquet y prendrait-il racine ?

2 commentaires:

  1. En parlant de Victor Hugo et d'aurore, j'aime aussi ce passage de "A Villequier", que l'on peut aussi trouver dans les Contemplations:

    Dans vos cieux, au-delà de la sphère des nues,
    Au fond de cet azur immobile et dormant,
    Peut-être faites-vous des choses inconnues
    Où la douleur de l'homme entre comme élément.

    Peut-être est-il utile à vos desseins sans nombre
    Que des êtres charmants
    S'en aillent, emportés par le tourbillon sombre
    Des noirs événements.

    Nos destins ténébreux vont sous des lois immenses
    Que rien ne déconcerte et que rien n'attendrit.
    Vous ne pouvez avoir de subites clémences
    Qui dérangent le monde, ô Dieu, tranquille esprit !

    Je vous supplie, ô Dieu ! de regarder mon âme,
    Et de considérer
    Qu'humble comme un enfant et doux comme une femme,
    Je viens vous adorer !

    Considérez encor que j'avais, dès l'aurore,
    Travaillé, combattu, pensé, marché, lutté,
    Expliquant la nature à l'homme qui l'ignore,
    Eclairant toute chose avec votre clarté ;

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    1. Bonjour Greg,
      et merci beaucoup pour ce texte.
      Bonne journée à vous :)

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